Posted by on Mai 24, 2015 in La crique des trépassés | 0 comments

Le texte ci-dessus est purement informatif. Il s’agit de l’histoire du Gardien, celle-ci n’est pas complète mais permettra à tous, je l’espère, de mieux comprendre certains éléments de cette campagne.

« C’était il y a longtemps, très longtemps,
Dans un royaume au bord de l’océan,
y vivait une vierge que vous pourriez connaître
Du nom d’Annabel Lee;
Cette vierge vivait sans autre pensée
Que de m’aimer et d’être mon aimée. »

– Edgar Allan Poe.

Rapprochez-vous, n’ayez pas peur… Il ne s’agit que d’une histoire… Il y a bien longtemps sur ces terres et surtout sur l’océan…

Il y a des lieux qui comme vous le savez peut-être sont des passages, les frontières tremblantes entre un monde et un autre. Le phare, dernière présence habitée avant les abysses en est un, plus que tout autre sur nos terres maritimes. Il est le fil ténu qui raccroche les marins à leur foyer, sans lui, ils pourraient errer dans le néant jusqu’à la fin des temps.

Dit-on…

Il y  a bien des années de ça, sur nos côtes, se trouvait l’un des plus magnifiques phares que l’orgueil des hommes avait pu construire. Et en celui-ci, siégeait un homme considéré par tous comme bon et juste, Willem Morys Lee.  Il l’était forcément, puisqu’il permettait la liaison entre la terre et la mer en sécurité, chargé par la communauté des vivants, de protéger les marins pour qu’un jour leurs épousées puissent les revoir. De tout temps, il avait été gardien de phare, si ce n’était là, cela devait être ailleurs.

Lorsqu’il était jeune, raconte-t-on, il aurait épousé une fille de la mer… Une femme a la beauté envoutante, à l’esprit aussi insaisissable que l’océan, au cœur aussi profond que les abysses.

Certains mauvais esprits racontaient à la veillée que sa femme ne l’aimait pas… et qu’elle n’était là que parce qu’il l’empêchait de retrouver les siens. Une telle beauté ne pouvait faire partie des hommes et l’on murmurait ainsi qu’elle n’était rien de moins qu’une selkie ou tout autre créature légendaire dont il aurait capturé la parure, la condamnant à l’épouser et à rester à ses côtés.

Il est ardu d’empêcher une femme de la mer de ne pas y retourner et peu à peu la personnalité du jeune gardien changea, il devint paranoïaque, possessif et autoritaire… Son épouse finit par lui donner une fille… Mais cela n’apaisa pas son époux. Bien au contraire. Il redoutait plus que tout que sa fille soit du même sang que sa mère… Et il éprouvait un besoin maladif à contrôler tout ce qu’elle faisait.

Mais l’histoire de notre gardien bascula, lorsque sa fille était âgée de trois ans… Sa mère retrouva, cachée dans un coffre noir, sa parure tant aimée. Elle hésita bien… A l’idée de laisser à son acariâtre compagnon, l’existence de sa petite, mais l’attirance pour la liberté et la mer fut plus forte que ses liens maternels. Elle disparut sans jamais plus revenir.

De colère, il jeta le coffre noir au fond de la mer, avec-dit-on à l’intérieur, son cœur glacé.

A daté de ce jour, le gardien s’enfonça lentement dans une folie sourde, que seul quelques êtres pouvaient comprendre. Toujours charmant et accueillant, il donnait le change auprès de la population et tout le monde plaignait sincèrement le jeune « veuf ».

Dans sa folie, il s’imaginait devoir remplir ce coffre d’or et de bijoux, d’objets lumineux accrochant la lumière, comme un phare sous-marin… afin de ramener à lui celle qui l’avait abandonné.

Ainsi… peu à peu, pour satisfaire cette nouvelle lubie, il rançonna les marins… Il voulait que chacun qui utilisait son aide, à travers le phare, lui paye une pièce de métal, dans le cas contraire il menaçait d’éteindre la lumière et de précipiter les hommes dans l’obscurité des bas-fonds.

En cette époque reculée, il n’y avait guère que les pirates pour s’engager dans le périlleux détroit de Merlthor. Ainsi le gardien avait mis en place ses pions. Les pirates devaient lui donner pas moins d’un tiers de leur rapine s’ils espéraient pouvoir continuer à s’engouffrer dans ces eaux avec l’aide des feux du phare des Brumes… Pourtant, d’années en années on racontait que lors des jours les plus brumeux, le phare s’éteignait pour ne se rallumer qu’une fois celle-ci levée. On raconte qu’alors des feux plus indécis se faisaient voir sur les falaises… Et précipitaient les équipages trop confiants sur les brisants.

Les naufrageurs sont nés de l’arrogance du gardien, voulant faire payer à ceux qui ne voulaient pas lui obéir, il créa cet équipage maudit… sans jamais en assumer la paternité. Il connaissait chaque pavillon lui ayant fait outrage, ainsi dès que l’un d’eux avait la malchance de débuter sa traversée le soir, le feu des Brumes se taisaient pour donner naissance à ses maudites répliques. Au départ, le Gardien, Willem Lee ne demandait qu’un tiers des cargaisons des naufragés. Mais d’années en années, il se fit aussi de plus en plus pressant, menaçant également l’équipage maudit qu’il avait créé et dont le phare protégeait les activités. Cachés dans les profondeurs des caves du grand édifice et dans entrelacs de couloirs sombres. Personne n’aurait pu deviner de la terre qu’un tel repaire se trouvait en lieu et place du phare des Brumes.

Pendant une trentaine d’années, ce duo étrange entre le gardien et ses corsaires sévit sur la côte et au-delà. Etrangement malgré les nombreux naufrages, peu de gens parlaient des catastrophes et la réputation de Willem Lee était intacte et auréolée du sacrifice de sa vie d’ermite. C’était un saint homme et si parfois des pirates venaient à mourir, c’était juste Lymlaen qui en avait décidé ainsi…

Et l’enfant de la mer, Annabelle, qu’est-elle devenue pendant toutes ces années ? Une ravissante enfant aux cheveux blancs comme l’écume, à la peau translucide de l’eau sous le soleil du printemps. Une beauté connue de tous. Douce et maternelle, elle accueillait tous ceux qui avaient besoin de réconfort. Elle soignait. Elle berçait l’enfant seul et triste. Elle consolait la veuve. Sans rien en retour.

Mais plus elle grandissait, plus elle lui rappelait sa mère et sa trahison. Et ce père possessif n’était pas prêt à ce qu’elle donne autant de présence aux autres… Et peu à peu, au lieu de la laisser voguer là où on avait besoin d’elle, il l’enfermait dans une salle basse du phare où il lui avait créé un petit univers fermé, rien que pour elle. Espérant que jamais au grand jamais elle ne désirait le quitter…

Annabelle était amoureuse d’un jeune sans-le-sou de la péninsule du nom d’Allan Poe et cet amour était réciproque. Il était bon, généreux avec autrui alors qu’il ne possédait que sa vie. Il l’aimait simplement. Et ne désirait que sa présence à ses côtés, sans attache et sans contrainte. Sans rien d’autre qu’elle-même. Un jour, il lui offrit une fleur toute de sel composée. Brillante comme le cristal.

Le jour où elle eut 16 ans, Annabelle espérait tant que son père finirait par comprendre…

A présent en âge de se marier…et qu’il saurait accepter que sa fille puisse s’en aller.

Mais bien que sachant sa fille amoureuse, le père posa une sinistre condition à tout mariage. Il voulait montrer, encore une fois, que malgré tout, c’était lui qui commandait tous les êtres de la péninsule, même sa fille.  Il fallait que le prétendant  ramène une fortune digne d’un roi… Digne du roi des mers qu’il se voulait être. Celui qui en aurait le plus remporterait sa main.

Allan tenta de trouver des pièces dans la mer, mais n’en trouva qu’un nombre restreint, et il était si pauvre face à la mer, il n’avait que lui à offrir. Il désespéra.

Les prétendants vinrent nombreux, attiré par sa beauté, par la promesse de pouvoir d’être le gendre du gardien, peu pour sa fille. Marchands, armateurs, pirates… nombreux furent les prétendants à amener des fortunes au gardien, beaucoup espérant à demi-mot obtenir le droit de passage inaliénable dans le détroit. Mais il ne décidait pas…

De son côté, le jeune Allan n’avait pas baissé les bras et … finalement, alors qu’il tentait en vain de remonter quelques trésors des profondeurs de la mer, il fit la connaissance de quelques matelots isolés. Ceux-ci le voyant trimer ainsi, lui proposèrent de travailler avec eux… A quelques minces besognes…

C’est ainsi que sans le savoir, Allan rejoint les naufrageurs. Il ne savait pas encore où il mettait les pieds, encore moins qu’il agissait au service du père de sa dulcinée.

Les mois passèrent et Allan comprit rapidement dans quel type de travail, il était tombé, mais c’était la première fois qu’il gagnait autant d’argents et il avait à nouveau l’espoir de pouvoir racheter la main de sa très chère Annabelle dont le gardien gardait jalousement la main. La maintenant la majorité du temps, prisonnière de la pièce basse qui était sa chambre, de peur qu’elle ne s’enfuie sans jamais revenir.

Elle ne pouvait plus voir Allan, lui qui était si proche sans qu’elle le sache.

Il fut très clair pour Allan que ce groupe de brigands, qui prenaient si peu la mer, recouraient à de nombreux trafics et il en fut un qu’il découvrit avec horreur lorsqu’on lui proposa d’épouser une jeune femme du nom d’Emily. On lui promettait une somme rondelette s’il arrivait à la séduire… et à remporter sa dot. Il comprit rapidement que ce n’était pas la première fois que l’on pratiquait ce type de magouille. Il ne put que leur répondre qu’il ne voulait se marier qu’avec la belle du phare et que c’est pour cela qu’il tentait tant de récupérer de l’argent.

Que cela soit par réelle empathie, par amusement ou par défis, les naufrageurs présent lui proposèrent un marché : « S’il arrivait à faire tout ce qu’on lui demandait, ils lui donneraient une part suffisamment conséquente de leur trésor amassé depuis des décennies, afin qu’il puisse acheter sa belle ».

Il accepta naïvement. Il séduit la jeune Emily, cela lui prit quelques mois, mais ses belles promesses, tout autant que son beau minois finirent par convaincre la famille de la justesse de sa demande. Ce n’est qu’après cela qu’il comprit … et c’était tellement logique, qu’il devrait se débarrasser de la jeunette… Il ne pouvait espérer se marier avec Annabelle s’il était engagé avec une autre. Et comme l’avait pressentit les naufrageurs, il avait le cœur trop bon. La situation était des plus amusantes… Et il n’avait rien vu venir…

De son coté, un membre éminent d’un cartel du sud avait amené une fortune digne d’un sultan… Alors, le gardien trouva cela amusant, que l’on vienne d’aussi loin pour lui prêter allégeance. Il accepta et annonça à sa fille qu’elle épouserait un homme d’ici trois mois.

Elle envoya à Allan un message désespéré. Lui assurant son amour, elle lui faisait ses adieux. Celui-ci devait à tous prix trouver une solution… C’est ainsi qu’il se débarrassa de sa jeune épouse… Mais contrairement aux preuves de sa mort qu’il apporta, il ne la tua point. Il la laissa bien loin de tout cela, sur les côtes du continent, avec un petit sac et des vivres… Il lui expliqua tant et bien qu’il ne pouvait rien faire de plus pour elle et que si elle restait avec lui, elle était condamnée. Elle l’aimait et portait son enfant. Elle le laissa partir, envahie par la terreur et le désespoir.

Bien plus loin, dans une chambre basse, Annabelle refusait  de sortir de sa chambre et d’épouser cet homme qu’elle ne connaissait pas et qu’elle n’aimait pas. Furieux, son père lui apprit alors que de toute façon, l’homme qu’elle aimait avait épousé une femme du nom d’Emily et qu’il ne se préoccupait plus d’elle. Désespérée, enfermée dans le bas du phare, dans une pièce sans dessus-dessous. Pleurant, tant et tant que le ciel se couvrit et que la pluie se mis à tomber, avec une telle violence qu’une tempête éclata.  Ses larmes glissaient une à une sur la fleur de sel qu’elle tenait au creux de ses mains.  Comme si, aussi étrange que cela puisse paraitre, les sentiments de cette fille de la mer pouvaient influencer… même un tout petit peu cette parcelle d’océan…

Allan se rendit dans un cimetière et guetta plusieurs jours avant de voir le cortège funèbre d’une jeune personne… Lorsqu’ils eurent enterrés, priés et quittés les lieux, il déterra le corps de la jeune femme et lui coupa la main, lui glissant l’alliance qu’avait portée Emily. C’est avec ce sinistre trophée qu’il revint au repaire des naufrageurs.

Entre temps, le trajet entre le phare et la terre était à présent impossible à faire, que l’on ait beaucoup de pièce de métal ou pas. La mer déchainée empêchait quiconque de quitter la terre et de rejoindre les haut fonds. Cela dura des jours. Le gardien était enragé, sans les trajets et sans que ceux de la terre ait besoin de rejoindre la mer, il n’avait plus de pouvoir, plus d’argent.  Que sa fille lui désobéisse ainsi était le moindre des outrages… et lui somma jour après jour de cesser ses larmes.

 

Etonnés, mais amusés, les naufrageurs tinrent paroles aussi étonnant que cela puisse paraître. Ils donnèrent à Allan une part du butin. A ce moment-là, les naufrageurs avaient bien d’autres buts et savaient pertinemment qu’ils récupéraient cet argent et bien plus encore s’il se débarrassait pour de bon du gardien. Ce n’était pas comme si cet argent allait loin.

Ainsi, il se rendit pour la première fois devant Willem et lui demanda la main de sa fille…  Aux vues des merveilles qu’il lui apportait, il hésita, et finalement… Fit mine d’accepter son offre. Mais il n’informa en rien sa fille du changement concernant ce mariage. Elle épouserait toujours l’homme qui avait apporté la plus grande fortune…

Plus la date se rapprochait, plus Annabelle prenait congé de la vie. Et par-dessus tout, elle eut le malheur de découvrir un passage allant tout droit au repaire des naufrageurs… C’est ainsi qu’elle comprit avec horreur les liens et les activités de son père.

Un petit matin, où elle avait enfin réussi à forcer sa porte… Et alors que les flots semblait se calmer, que le ciel comme les larmes de la jeune femme s’étaient taries, elle monta en haut du phare et elle se poignarda avec une épingle en regardant l’horizon, son corps inerte fut précipité du haut du phare et s’abima dans les flots.

Le père, ivre de douleur entra dans une rage folle, … Et s’enferma dans le phare, refusant à présent de l’ouvrir pour quiconque.

Allan apprit la mort de sa chère Annabelle, dévasté, il resta prostré pendant des jours à regarder l’onde… Il rentra au repaire aussi, afin d’y faire quelques menus travaux. C’est ainsi qu’il finit peu à peu par comprendre les véritables liens qu’il y avait entre le gardien et les naufrageurs…

Il n’était plus le jeune amoureux naïf de ses débuts, il comprit les sinistres manœuvres des uns et des autres. Il savait que le gardien était le responsable de la mort de sa belle, mais pas à quel point il s’était montré cupide, arrogant et destructeur. Et à présent que Willem prenait en otage tous les marins des alentours, il était clair qu’il fallait mettre un terme à son règne. Les naufrageurs n’avaient plus rien à naufragés, et peu à peu les marins choisissaient d’autres itinéraires, quoique plus long, il était à présent bien plus sûr de passer par la côte ouest… Ou le phare de Sirius n’était pas aussi instable.

Ils décidèrent d’assassiner le Gardien et de le remplacer, pouvant alors espérer reprendre le chantage vis-à-vis des pirates qui préféraient toujours la discrétion du détroit que les grandes eaux de Galadion.

Allan, considéré comme inoffensif et dépressif ne fut ni mis dans la confidence, ni considéré comme dangereux, pourtant, seul dans son coin, il surveillait… Bien décidé à se venger.

Il entreposa des réserves inutilisées des barils de poudre, jour après jour. Son but était simple, lorsque les prétendus justiciers devaient aller terrasser le gardien, lui ferait sauter les fondations de l’édifice, il ne pensait pas y survivre. Et ne le désirait pas.

C’est ainsi qu’il agit… et cela se passa comme il l’espérait, même si tout le repaire des naufrageurs n’y passa pas, les éléments les plus importants y périrent en même temps que le Gardien.

On raconta dans les campagnes, qu’un séisme avait parcouru la côte et avait fait tomber le géant de pierre dans l’océan. Allan périt … il s’était réfugié sans vraiment le savoir dans une petite pièce basse… Une petite pièce du phare, avec tous les objets surannés de la jeune fille. Une fleur de sel et de cristal. Et sa robe d’écume. Et c’est presque heureux qu’il mourut, entouré par le parfum de sa belle.

Cela ne mis pas vraiment fin aux naufrageurs, mais… privés de leur revenu principal, ils renforcèrent le trafic de dot…  Et de nombreuses jeunes femmes périrent ainsi dans les dernières pièces du repaire… éveillant ainsi la colère d’une jeune femme restée à jamais prisonnière de Brumée, Annabelle… Qui poursuivant le but de son ami, finit par sonner le glas de leur activité à Brumée… Mais pas ailleurs. Les plus grands noms furent épargnés, trop nobles, trop saint… Ils fondèrent une nouvelle compagnie… du même nom. Bien des années plus tard, en tant qu’Amiraux. L’un d’eux finit par avoir un fils, qu’il nomma John. John Rackham.

Emily Poe donna naissance à un fils qu’elle nomma Allan. Celui-ci eu un fils du nom de John, qui à son tour eu un fils, du nom de Jack qui devint gardien de phare, bien des années après tout cela.

ancre.jpg