Posted by on Mar 13, 2015 in Athanor | 0 comments

*Les notes reprennent, l’écriture semble identique ainsi que l’encre… pourtant a bien y regarder, le trait est plus vif, presque acéré*

Bien qu’il m’arrive rarement de m’emporter ou de perdre contenance, l’obstination et l’immaturité de mes novices me poussent parfois loin dans mes retranchements. Je ne sais ce que je dois penser, si je dois imputer cela à leur jeune âge, qui sera la cause de cette immaturité émotionnelle… ou alors est-ce purement pathologique, cela serait bien plus ennuyant. Je ne peux que me demander si j’ai pu être aussi sot  lorsque je suis arrivé à Sharlayan, et dans un tel cas, je ne sais ce qui a pu convaincre un sage de me garder. J’imagine que voir le potentiel en chaque chose est un talent en soit.

Mon premier « problème », est donc leur jeune âge et donc les hormones qui semblent profondément actives. Certains soirs, il est clair qu’ils sont en parades amoureuses. Le plus étonnant est sans doute qu’ils ne semblent en rien s’inquiéter du genre de leur potentielle conquête. Le fait est que ça n’empêche pour ainsi dire par les conflits et les jalousies. Cela ne me dérange pas outre mesure, pour peu que cela n’influence pas leurs actes et leur efficacité sur le terrain, ainsi que la réputation du Centre – dont le surnom de harem était déjà fort dommageable. Je ne peux décemment les priver d’élans amoureux et charnels, mais il est certains qu’il va falloir que je trouve des solutions si les choses du coeur finissent par leur embrumer l’esprit au point de les rendre inutiles à toutes fins.

Mon second problème est donc l’immaturité « scientifique » qui me préoccupe beaucoup plus. Je pense que pour la plupart, ils ont échappé à un enseignement proprement dit. Ce qui implique qu’ils se sont formés eux-mêmes, souvent en situation d’incompréhension, faisant des recherches seuls, à la manière du jeune voleur que j’ai pu être avant de rejoindre mon ordre. Ce qui en découle de nombreuses lacunes comportementales. Ils ont tous tendance à voir le savoir, soit comme quelque chose à voler à autrui, soit comme une valeur potentiellement marchande – comme de vulgaires pilleurs de tombes. Ils ont tendance à hiérarchiser les savoirs également, ils le font tous à leur manière et selon leur propre intérêt. Cependant, ce type de comportement peut engendrer des pertes considérables de connaissances, ou empêcher tous liens intertextuels.

Le fait d’avoir étudié seul, dans leur coin, sans doute incompris et méprisés peut-être, les a également transformé en être égotique, individualiste voir indifférents aux autres, les niveaux d’empathie varie évidemment de l’un à l’autre. Ils peuvent ainsi se montrer arrogants les uns vis à vis des autres, considérant – sans doute ?- que leur domaine d’expertise est plus important.

Mais je pense que ce qui me chagrine actuellement le plus et qui provoque sans doute entre nous le plus d’incompréhension est finalement leur négation ou non-connaissance d’un des principes essentiels de toutes sciences… et pour toutes recherches : le doute.

Mais peut-être est-ce une fois encore dû à leur jeune âge ? Je ne peux certes pas me cacher que beaucoup de scientifiques plus ou moins brillants s’installent également dans une confortable routine des certitudes. Et lorsqu’une chose leur parait improbable, ils crient à l’imposture, refuse les évidences surtout si les recherches en question peuvent mettre en doute la validité de principes cardinaux. Le doute se doit pourtant d’être méthodique, il est certes difficile de ne rien considérer comme acquit et comme certitudes dans ce monde mais…

Bien sûr le doute peut être un processus orageux, où il faut accepter d’écouter les arguments des uns et des autres, et de ne pas les réfuter d’emblée en se barricadant dans ses certitudes. Il faut ensuite pouvoir tester ces nouvelles choses, voir si cela semble faisable, possible… Et trancher, trouver un consensus…  tout en sachant que plus tard, quelqu’un viendra peut-être une fois encore remettre en doute cette nouvelle « certitude ».

Mais le doute est la seule chose qui permet de regarder les faits, les écritures, et de se demander si cela s’est vraiment passé ainsi ? Ou est-ce que c’est seulement ce que l’on a voulu retenir ? L’histoire est une science d’autant plus difficile que nous avons peu de trace, là où d’autres études scientifiques peuvent se refaire à l’infini lors d’expérience palpable.

J’aimerai arriver à leur faire comprendre que douter, ne signifie pas forcément que l’on considère que l’autre à tort, et que l’on peut exposer des arguments sans rester sur ses positions…

Ils sont jeunes, cela les rends peut-être plus malléables ? Plus capable de s’ouvrir à d’autres choses ? A se libérer des convenances sociales, idéologiques ou économiques…

Afin de rendre honneur et hommage à mes ordres et à l’Alma Mater.

Cela pourrait les changer, peu à peu, sans même qu’ils puissent s’en apercevoir, comme l’eau poli la pierre. Oui… du scepticisme comme antidote à l’arrogance…